Purple Drank

Purple Drank, dont la pratique vient des États-Unis où les sirops pour la toux ont le plus souvent une teinte violette et apparu en France en 2013, est assez visible chez les jeunes pour que l’Ordre national des pharmaciens lance un signal d’alerte dans son journal interne du mois de mai. Parlez-nous de ce phénomène !

Le récent phénomène des “purple drank” représente la consommation par des jeunes dans les milieux festifs d’un mélange associant un sirop pour la toux à base de codéine, avec un anti-histaminique et un du Sprite, ce dernier pour ces effets de type soda ; le mélange contient en plus un colorant violet, qui est à l’origine de sa dénomination. Phénomène récent comme médiatisation en Europe, mais datant du début des années 90, utilisé et valorisé par les milieux du rap nord-américains, le purple drank est devenu depuis le début des années 2000 un produit festif utilisé par des milliers de jeunes lors des soirées clubbing mais aussi privées.

Depuis son arrivée en France, au début très confidentiel, il connaît un énorme essor depuis quelques années. La base de la préparation est représenté par le syrop de néo-codion – un opiacé faible, dans le même type de mélange avec l’anti-histaminique (censé adoucir les effets secondaire de l’opiacé) plus le Sprite.

Parmi les effets recherchés on dénombrer les effets connus des opiacés – anesthésie affective, morale et psychique, sentiment d’euphorie et de décontraction totale. les usagers ont le sentiment de planer, d’être complètement détachés de la réalité. Sur un plan physique, les usagers décrivent une forte chaleur envahissante au niveau du visage et cuir chevelu avec des démangeaisons (d’ou l’utilisation de l’anti-histaminique comme prévention et solution face au prurit qui peut devenir pénible).

Quels risques existe-t-il vraiment pour la santé, notamment en terme d’addiction ? Ce cocktail peut-il entraîner la mort ?

Le risque majeur à court terme est l’overdose opiacée OD (par surconsommation du produit opiacé, mais aussi du fait des mélanges avec l’alcool et autres produits psychoactifs). Le tableau d’une OD est celui d’une insuffisance respiratoire massive, avec une défaillance cardiaque. le risque vital est très élevé face à ce type de tableau, les traitement à base d’antidote de type Narcan devront être appliqués immédiatement. Il faut préciser que les service médicaux américains dénombre des victimes, dont certaines célèbres dans le milieu du rap.

A long terme, le risque addictif est très important, beaucoup plus que celui du cannabis, tant décrié comme produit le plus consommé par les jeunes. en terme de dangerosité des drogues, les opiacés apparaissent en premier rang, à côté de la cocaïne et du crack par exemple, de l’alcool; et du tabac, tandis que le cannabis est derrière ces produits. Ce constat doit être pris en compte dans les campagne de prévention et d’information des jeunes, à un niveau plus important que la répression. Sur un plan clinique l’addiction opiacé se manifeste par des signes de dépendance physique (signes de manque comme les frissons, douleurs ostéo-articulaires, troubles du transit intestinal) mais surtout dépendance psychique (en cas de manque irritabilité, agressivité, tristesse et troubles de l’humeur avec parfois l’apparition d’un véritable syndrome anxio-dépressif).

 

Pourquoi les jeunes ressentent-ils le besoin de se droguer à ce point pour se sentir bien ?

L’usage des substances psychoactives – pas seulement addictif mais surtout usage festif et récréatif, voir le mésusage – font partie d’une constante chez les jeunes. Sont souvent invoqués, le stress quotidien, l’anxiété de performance, la recherche des sensations, situations qui nous permettent de dire que pour beaucoup de ces jeunes l’usage des substances psychoactives revêt une dimension autothérapeutique – la gestion allostasique des situations de stress. Il existe une autre catégorie de jeunes qui sont dans une recherche de situations à risque, dans une véritable dimension addictive face au risque, une dimension souvent ordalique. les rites d’initiation, de passages et les transgressions font partie depuis l’humanité de notre manière de franchir des pas vers la maturation, mais dans la situation présente bous devrons être vigilants et informer les jeunes sur les risques encourus.

 

Comment mettre un terme à ce fléau ? Peut-on interdire la vente de ce sirop sans ordonnance ? Et si oui, y-a-t-il un risque qu’ils se tournent vers un autre produit ? 

Comme souvent l’interdiction d’une substance s’accompagne de la recherche d’autres substances plus fortes et encore non-prohibées, donc cette mesure semble efficace à très court terme. La meilleure solution reste la prévention et l’information des jeunes, mais surtout un accompagnement de ces jeunes – par les parents, les profs, le corps médico-social – afin de reconnaître rapidement les éventuels signes d’une détresse émotionnelle, d’une mauvaise adaptation au stress, d’une mauvaise image de soi.

Méfions nous aussi d’une récupération du sujets par des industriel (aux USA) qui mettent sur le marché des boissons similaires (sans codéine ou anti-histaminique) mais contenant des herbes et d’autres ingrédients. Ces produits, vendus sous le nom de drank, facilitent souvent l’escalade vers les produits censés procurer des effets plus forts- comme le purple drank.

le plus paradoxal reste l’appellation industrielle et aussi dans les milieux festifs des drank – en tant que anti-energy – en totale complémentarité avec les boissons de type burn content de la taurine, qui elles sont vendues comme produits énergisants. Comme on dit, il y a pour tous les goûts!!

Docteur Dan VELEA
Psychiatre-addictologue
Le Docteur Dan VELEA, médecin psychiatre-addictologue-psychothérapeute est installé rue de Rennes dans le 6ème arrdt. à Paris.
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