Addiction Sport

L’ADDICTION A L’EXERCICE PHYSIQUE

Introduction

Les addictions positives (jeu, sexe, sport…) sont souvent valorisées en comparaison avec les dépendances aux produits toxicomanogènes. Pourtant, on rencontre une véritable souffrance physique et psychique parmi les addictés positifs. Chez les sportifs de haut niveau ou les amateurs pratiquant de manière intensive les exercices physiques, la pratique excessive met en évidence une conduite addictive (bigorexie) liée à des troubles dysmorphophobiques, qui se manifestent dans le cadre d’un véritable syndrome d’Adonis, avec tout le cortège des signes de manque et de souffrance psychique.

Mots-clés :

Addiction positive – pratique sportive – bigorexie – dysmorphophobie – complexe d’Adonis

 

Le concept d’addiction positive, crée en 1976 par Dr. William Glasser, est issu d’une observation de longue durée des athlètes de haut niveau pratiquant régulièrement un exercice physique, mais aussi des coureurs occasionnels. Glasser décrit ainsi une addiction à  la pratique sportive, qu’il qualifie de positive afin de la distinguer des addictions classiques considérées comme négatives – alcool, drogues… Dans sa conception, la poursuite d’une activité physique (initialement la course à pied, mais par extrapolation on peut inclure la plupart des pratiques sportives) devient addiction par dépassement d’un effet seuil d’ennui, de fatigue, de lassitude. Parmi les facteurs qui renforcent le côté « addictogène » de la pratique sportive ont rencontre des classiques – la libération de l’endorphine et le bien-être lié à cette libération (phénomène souvent décrit chez les coureurs de fond et les marathoniens), l’augmentation d’une forte estime de soi (prise de conscience de ses capacités physiques et d’endurance, le constat des modifications corporelles qui implique aussi la description d’une composante dysmorphophobique récurrente chez les body-builders), et pas en dernier l’apparition ou le développement d’une véritable compulsion. Il est souvent constaté que beaucoup de pratiquants addictés aux sports, ont souvent abandonnés une addiction considérée comme négatives (pour la plupart une forte dépendance tabagique, l’alcool ou la consommation des drogues). Ainsi, on voit des post-cures qui centrent leurs projets thérapeutiques sur la pratique sportive (en France le Château de Thianty).

Un aspect souvent rencontré chez les addictés à l’exercice physique, aspect rarement remarqué, est celui des changements dans la vie quotidienne. Notre contribution va au-delà du recueil des conséquences socio-professionnelles et familiales (voire plus bas les échelles d’évaluation), en soulignant le changement complet du mode de vie de ces pratiquants addictés, qu’il convient de distinguer régulièrement des sportifs de haut-niveau. Ainsi, les personnes que nous avons rencontrées décrivent des changements majeurs : vestimentaires, alimentaires, dans leur mode de vie, dans les loisirs (qui deviennent quasiment liés à la pratique sportive – fréquentation des manifestations sportives, des salons..), le choix d’un partenaire souvent issu du même milieu pratiquant. L’entraînement devient un véritable rituel pour le sportif. Toute sa journée est organisée et économisée en vue de l’entraînement. La vertu de l’exercice régulier est de transformer son corps : cet exercice rituel augmente le degré de la résistance et de l’endurance de la structure corporelle aux répétitions successives.

On voudrait insister sur un aspect souvent rencontré, l’addiction comme moyen de gestion du stress. Pour Alexander la désorganisation sociale apparaît comme un précurseur de l’addiction. Alexander avance cette hypothèse en partant du concept d’intégration psychosociale (Erikson), concept qui fait référence aux interactions entre les expériences individuelles et de groupe, et la réaction du groupe (acceptation, rejet) face aux individus. Une désorganisation oblige les personnes à lutter pour la restauration  de  l’intégration psychosociale ; dans certaines situations cette restauration semble impossible et nécessite la création de conduites d’adaptation, conduites qui représentent des substituts de modes de vie (addiction, marginalité, criminalité, replis sur soi, troubles anxio-dépressifs, tentatives de suicides). L’analyse d’Alexander démontre que la société de consommation détruit les  valeurs

de base de la famille et la cohésion entre les cellules sociales des sociétés traditionnelles, d’où l’apparition de la désorganisation. Afin de trouver une meilleure intégration et de mieux accepter les contraintes quotidiennes, les personnes désorganisées cherchent des identités transitoires. Ainsi, l’apparition et le maintien de l’addiction représente une forme d’adaptation aux conditions difficiles de vie, aux stress et sollicitations diverses. La centration sur les substances  psychoactives  (héroïne,  alcool,  cocaïne,  cannabis…),  ou  sur  les addictions « silencieuses » comportementales  (jeu pathologique, addiction sexuelles, cyberdépendance, ergomanie, sport) sont des manières adaptatives en rapport avec le culte de la performance, aux sollicitations compétitives, au syndrome de burn-out, aux épuisements et insatisfactions récurrentes. Le concept de l’insuffisance ou des défaillances de l’intégration (partielle ou complète) joue un rôle important dans l’installation de l’addiction ; face au stress, certains usagers vont utiliser un produit – dans notre cas la pratique sportive – de manière plus ou moins adaptée.

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Docteur Dan VELEA
Psychiatre-addictologue
Le Docteur Dan VELEA, médecin psychiatre-addictologue-psychothérapeute est installé rue de Rennes dans le 6ème arrdt. à Paris.
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