Cyber Bully

1 – Dans quels cas peut-on être considéré comme une victime de cyber-harcèlement (exemples si possible) ? Existe-t-il une définition juridique française précise du cyber-harcèlement ? Un cyber-harceleur risque-t-il quelque chose aux yeux de la loi s’il est reconnu coupable ?

La définition du cyber-harcèlement emprunte à la notion d’harcèlement classique les « agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité » (art 222-22-2 du Code pénal). Dans le cadre plus spécifique du cyber-harcèlement il s’agit de l’utilisation des NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) dans une visée malintentionnée, répétitives, avec des contenus dégradants, s’adressant directement à une personne visée par l’harceleur mais aussi souvent, vers un centre des connaissances, avec des contenus dégradants, insultants et calomnieux, destinées à nuire. On retrouve parmi les circonstances aggravantes, l’atteinte des mineurs, des handicapés, des minorités, des personnes dépositaires de la loi. La loi prévoit des peines de deux ans de prison et de 30 000 €
2 – Selon une enquête du Pew Research Center (http://www.pewinternet.org/2014/10/22/online-harassment/), 40% des utilisateurs d’Internet adultes disent avoir été harcelés en ligne, et près des trois quarts disent qu’ils ont déjà vu un autre adulte se faire harceler. Si le phénomène est connu chez les enfants et les adolescents, il l’est moins chez les adultes, censés avoir des comportements plus matures. Comment expliquer l’ampleur de ce phénomène ? (dégradation des ambiances de travail, multiplication des moyens pour harceler quelqu’un avec les SMS, les mails, les réseaux sociaux, la préservation de l’anonymat, le fait de ne pas voir la personne en face, autres…?)

Le phénomène du cyber-harcèlement a pris une ampleur nouvelle avec les développements des réseaux sociaux, des applications immédiates utilisant les supports vidéo et photos. Le fait que les enfants soient victimes de ces agissements est quelque chose de connu, ayant suscité des réactions indignées des médias et de la population lors des passages à l’acte des jeunes victimes (des tentatives de suicides, des automutilations, isolement et phobie sociale et scolaire voir dans les cas dramatique des suicides).

Les nouvelles études démontrent que les jeunes adultes et les adultes sont aussi victimes de ces agissements criminels (le mot est dur mais il faut écouter la souffrance des victimes pour se rendre compte de l’étendus des dégâts). Souvent, les adultes ont plus du mal à exprimer le harcèlement (on le voit dans le monde du travail ou la honte de subir le harcèlement, les non-dits inhérents au travail et son environnement, la peur d’un avenir incertain, de la perte des acquis font que les gens se taisent, arrivant à des véritable états de burn-out, pathologie évidente qui mériterait d’être reconnu par les pouvoirs publics), ou quand il ose faire l’aveu, il est déjà trop tard, car les phénomènes anxio-dépressifs réactionnels ont déjà pris de l’ampleur.

Du point de vue psychologique ont doit désigner l’harceleur – bourreau conscient de ces agissements et la victime – harcelée qui subit.

L’harceleur est défini dans la majorité des cas par une absence d’empathie plus ou moins importante, par une absence de jugement affectif quant aux conséquences de ces agissements. Dans les cas extrêmes, ces personnes présentent les traits du pervers narcissique manipulateur, doublé d’une présentation psychopathique (absence d’&affect vis de l’objet de leur agissement, absence de remords, plaisir fourni par la souffrance). études nord-américaines soulignaient le fait que l’une des caractéristiques des managers et l’adoption d’un tel comportement (certains présentent de manière innée ces caractéristiques, mais les autres adoptent ce comportement comme protection). On peut retrouver en consultation ce type de présentation chez des personnes ayant utilisé le harcèlement comme manière de fonctionnement vis-à-vis des autres (en entreprise mais aussi dans le cadre privé). Ces types de comportements sont souvent vécus par l’entourage professionnel des victimes comme dégradants, mais peu de collègues osent prendre la défense des victimes, faisant du coup l’impasse sur leur propre dignité. Certains, dans une logique de soumission, adhérent complétement à ces agissements, rentrant dans une logique de surenchère envers la victime (ça nous rappelle l’excellent Majesté des Mouches). Si on se rappelle des écrits de Carl Schneider, la culpabilité collective est un des facteurs et moteurs de cohésion du groupe (social, mais dans notre cas professionnel), faisant de ces harceleurs des psychopathes imprégnés de machiavélisme. Dans ce sens on peut constater un silence coupable, mais aussi un véritable tableau régressif des agressé envers le prédateur harceleur, comme un véritable syndrome de Stockholm.

Pour les situations d’harcèlement dans la sphère privée (réseaux sociaux, SMS, mails) les harceleurs ont fait une fixation vers des personnes qu’ils estiment comme faibles, avec une jouissance dans l’expression de leur harcèlement (remarques dévalorisantes, rabaissantes, insultantes, souvent à caractère sexuel et très intimiste) et de la souffrance que cet harcèlement induit.
3 – Toujours selon cette même étude, les jeunes adultes sont les plus touchés par ce phénomène : 65% des utilisateurs d’Internet ayant entre 18 et 29 ans disent avoir été la cible d’au moins un type de harcèlement en ligne. Comment expliquer cette spécificité ? Les jeunes adultes sont-ils des cibles plus faciles pour les cyber-harceleurs ? 

Les jeunes adultes fréquent plus souvent les sites et réseaux sociaux, font moins attention aux « amis virtuels » et surtout exposent plus facilement les détails de leur privée. Les réseaux sociaux, dont on oublie souvent que représentent des espaces publics et non-privées, les phénomènes de selfies dans une société hypernarcissique, reflètent cette absence d’inquiétude, l’insouciance des utilisateurs. Il faut commencer les campagnes de prévention et de sensibilisation chez les jeunes (début du collège, voire avant) surveiller en tant que parents chez les jeunes, leurs fréquentations virtuelles (même si certains vont crier au flicage, chez les jeunes la conscience des risque, l’estime de soi, la confiance en soi et aux autres sont encore très faibles). Il faut aménager des espaces de discussions avec les jeunes, les rassurer quant aux conséquences (combien de jeunes ayant cédé à la tentation d’un cyber-harceleur de montrer des détails de leur intimité, menacés par ces prédateurs, refuse de demander de l’aide parental ou même aux amis réels ?). La force des prédateurs reste le silence des victimes, le silence sociétal avec parfois des remarques qui frisent la débilité (elle/il l’ont bien cherché – phrase qu’on entend aussi pour des victimes de viols !).

4 – Le cyber-harcèlement peut-il avoir des effets néfastes sur la santé de ceux qui en sont victimes ? (Ou d’autres effets néfastes ?) 

Les conséquences psychiques peuvent être très graves, avec des tableaux anxio-dépressif caractérisés (idéation noire voir des tentatives de suicide, idées de culpabilité, une totale déconstruction de la confiance en soi et envers les autres). Peuvent apparaitre des véritables phobies sociales, des conséquences sur la vie privée et de couple. Les conséquences psycho-somatiques (palpitations, troubles de la tension artérielle, manifestation digestives, dermatologiques) sont nombreuses.

 

5 – Comment un adulte victime de cyber-harcèlement peut-il stopper l’agression ? (Répondre ou pas, archiver les mails pour monter un dossier, demander à des proches de poster des choses positives sur vous, autres…?) Les procédures à suivre diffèrent-elles si la victime de cyber-harcèlement est majeure ou mineure ? 

On dit souvent qu’ignorer ces agissements aura comme effet l’éloignement de l’agresseur, mais souvent nous recommandons l’intervention directe par des personnes de confiance (parents, amis) ou plainte à la Police. Même dans ces situations, les cyber-harceleurs (qui présentent une mégalomanie sans limite, un sentiment d’impunité devant la loi, une relation objectale destructrice envers la victime, vue sans affects et émotions), profitent des faiblesses de leurs victimes (combien de cas lors des séparations litigieuse, ou l’harceleur a inondé les réseaux avec des propos diffamatoires, ne recommencent par peur de ces victimes ou de l’emprise de ces agresseurs ?).

Quant aux démarches de réparation des victimes, elles sont longues et passe souvent par la reconnaissance de leurs souffrances, en évitant les discours culpabilisants ; le renforcement de Soi passe par l’affirmation de soi, par la confiance en soi, par la réparation du préjudice. Le travail thérapeutique est long, souvent les victimes étant en phase de détresse aigué, à haut risque de chronicisation, avec souvent l’installation d’un état de stress post-traumatique avec un évitement et repli social très fort.


6 – Est-il possible de retrouver les cyber-harceleurs qui opèrent sous anonymat ? Quelles peuvent être leurs motivations ? Ont-ils un profil-type, comme décrit dans cet article (
http://www.wsj.com/articles/lessons-for-stopping-a-cyberbully-1463430999) ?

On trouve ce qu’on cherche, donc il faut donner aux forces de l’ordre la possibilité et le cadre légal d’agir, sans les encombrer de paperasse inutile, sans article de protection de la vie individuelle protégeant finalement l’harceleur (attention aux excès de Big Brother).

Les cyber-harceleurs anonymes sont des gens très lâches, faibles, qui prennent leur pouvoir dans cette manière d’agir derrière l’écran impunément. La seule crainte qu’ils ont c’est d’être démasqués, de devoir rendre des compte, mais malheureusement dans le contexte de leurs personnalités ils ont du mal à exprimer des remords, a reconnaitre les agissements ou demander pardon.

Docteur Dan VELEA
Psychiatre-addictologue
Le Docteur Dan VELEA, médecin psychiatre-addictologue-psychothérapeute est installé rue de Rennes dans le 6ème arrdt. à Paris.
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